Cette page donne accès
à une base de données qui a été créée à la suite de l’identification
(Boyd
& Pasch 1988) de l’ensemble sere-ngbaka-mba (snmb) comme noyau du
groupe
des langues oubanguiennes défini par Greenberg ([1963]1966] afin de
rassembler
toutes les informations lexicales existantes, première démarche
nécessaire à
l’application de la méthodologie de la linguistique historique. Elle a
été
élargie aux langues banda en raison de l’accroissement considérable des
données
les concernant, collectées au cours d’un projet de recensement mené
concurremment par France Cloarec-Heiss au sein du laboratoire Langage,
Langues
et Cultures d’Afrique (LLACAN) du Centre National de la Recherche
Scientifique.
En fin de compte, j’ai décidé de l’étendre à toutes les langues
oubanguiennes
et de poursuivre ainsi les objectifs affichés par Moñino (1988). Il a même semblé
opportun d’y rajouter un champ destiné au renseignement d’informations
pertinentes concernant quelques langues Adamaoua d’un côté et les
langues du
Soudan central de l’autre.
C’est
une base de cette
nature que j’envisageais autrefois comme un outil collectif, alimenté
par des
chercheurs dans le domaine et universellement consultable. Les fonds
nécessaires à la logistique ont malheureusement toujours manqué et ne
risquent
pas de se profiler à l’avenir en vue de l’abandon progressif des
recherches
pertinentes. L’Afrique ne reprend pas d’ailleurs le témoin, la vision
des
langues versant de préférence dans l’approche légendaire qui valide les
origines et se substitue à l’histoire si difficile à reconstituer. La
recherche, lorsqu’elle existe en Afrique, n’est plus orientée par la
notion
d’universalité exprimée par Barthélémy Boganda de façon si économique,
trois
mots dont un redoublé : zo kwê zo, que nous traduirions
par des
notions nuancées sans gagner pourtant ni en clarté ni en contondance,
‘chaque
individu est un être humain’. La linguistique dont il est question ici
est en
effet l’effort consacré à comprendre la nature du langage humain en
sondant les
langues individuelles.
[Jusqu’à la mise en ligne de cette
page, je donnais accès ici à une version ancienne de cette base,
réduite aux
langues snmb, sous format « Toolbox », le logiciel proposé
par la SIL
(https: //software.sil.org/toolbox/) pour la gestion de données de ce
genre. Si
quelqu’un souhaite recevoir une version à jour sous ce format de la
base
présentée ici, il suffit de me
contacter.]
Accédez à la base
de données
lexicales oubanguiennes. Elle est présentée par ordre alphabétique
français.
Vous pourrez consulter des entrées individuelles ou, si vous le
souhaitez,
télécharger la base entière en format pdf.
Il sera utile de consulter d’abord la
présentation qui explique
les principes d’organisation et la structure de cette
base. Ce document est associé à un relevé d’identités lexicales entre
langues oubanguiennes et langues du Soudan central auquel on peut
accéder ici.
Aucun connaisseur du groupe des
langues oubanguiennes n’ignore l’existence d’un petit sous-groupe lui
appartenant, connu maintenant sous l’appellation « mbaïque »
et
constitué par les seules langues de cet ensemble à avoir un système
productif
de classification nominale. L’exposé qui se trouve ici porte un regard
explorateur sur la diachronie de ce système.
* * *
* * *
Si vous le souhaitez, vous pouvez également consulter
ci-dessous un bref
1. L’identification
de l’ensemble
des langues oubanguiennes
On
doit à Joseph Greenberg ([1963]1966) la définition du groupe des
langues oubanguiennes. Il soutient qu’un regard porté sur les lexiques
de base
et les traits morphologiques qui y sont identifiables permet de
regrouper un
ensemble de langues selon leur degré de ressemblance.
Le
degré de différenciation entre les langues d’Afrique est tel qu’en
observant un petit nombre de langues quelconques présentes sur un même
territoire, on ne puisse pas distinguer d’emblée leur appartenance à un
même
ensemble. Face à cette difficulté, Greenberg constate que plus on a de
langues
à comparer, plus il devient possible d’établir des regroupements
« génétiques »
car les points de ressemblance apparaissent de plus en plus nettement
en raison
de leur ubiquité.
Par
cette méthodologie appelée « comparaison multilatérale »,
Greenberg identifie trois familles de langues, Niger-Congo,
afroasiatique et
nilo-saharienne, qui se trouvent en contact à différents points de
l’Afrique
centrale. La famille Niger-Congo a six sous-groupes dont
l’« Adamawa-Eastern », lui-même composé de deux sous-groupes,
Adamawa
et « Eastern », renommé « Oubangui »
postérieurement afin
de généraliser les dénominations topologiques, en particulier en
fonction des
noms de rivières.
2. La composition de
l’ensemble
des langues oubanguiennes
Lorsqu’on
examine les distributions proposées par Greenberg, on voit qu’à
tous les niveaux au-dessus des éléments de base, les groupes sont
souvent constitués
de telle manière qu’ils contiennent un ou plusieurs noyaux composés
chacun d’un
nombre plus ou moins important de langues bien différenciées mais qui,
par le
nombre d’éléments rapprochables, sembleraient se prêter à une
application de la
méthodologie de la linguistique historique. En cas de noyaux multiples,
ces
ensembles compacts pourraient parfois être comparés entre eux à un
niveau
supérieur mais autour vont se trouver un certain nombre de langues ou
de
groupes de parlers peu différenciés qui, par la paucité d’éléments
comparables,
ne permettraient pas de mener la comparaison plus loin en
reconstruisant les
traits d’une protolangue au plus haut niveau.
C’est
la situation qui existe dans le groupe des langues oubanguiennes où
l’on repère facilement un noyau, défini par
Boyd & Pasch (1988) et Boyd (1989), constitué des langues
« sere-ngbaka-mba » (abrégé ici en snmb).
Il s’agit des groupes 5 à 8 de l’Eastern de Greenberg.
Malgré
son
caractère manifeste, ce groupe n’est pas accepté par le site Glottolog
(https://
glottolog.org/) qui voit plutôt un ensemble Ubangi rassemblant ces
mêmes
langues sous les appellations mundu-baka (Greenberg 5), séréïque
(Greenberg 6)
et mbaïque (Greenberg 7 et 8), placées sur un même rang avec le zande
(Greenberg 4), le ngbandi-mongoba-kazibati (Greenberg 3) et le
bandaïque
(Greenberg 2). Il s’agit donc du classement effectué par Greenberg dont
on a extrait
le groupe gbaya (Greenberg 1), que Greenberg lui-même avait déjà
reconnu comme
très divergent dans cet ensemble. En revanche, le site Ethnologue
(https://www.ethnologue.com/)
reconnaît la cohérence d’un sous-groupe sere-ngbaka-mba et le place
placé au
même niveau que le banda, le ngbandi, le zande et encore le
gbaya(-manja-ngbaka) malgré la singularité de ce dernier. Rappelons que
la
fonction des sites de classification des langues n’est pas de classer
les
langues ; ils ne font que rassembler les avis exprimés sur la
question.
Le
sous-groupe oubanguien qui est visiblement le plus proche du
sere-ngbaka-mba est le groupe 2 de Greenberg, le banda ou bandaïque
(vd.
Cloarec-Heiss 1998, 2003).
Le
sous-groupe ngbandi (3 de Greenberg) est plus lointain par rapport
tant au snmb qu’au bandaïque. Toutefois, le rôle de langue véhiculaire
dévolu à
certains parlers appartenant à ce groupe, prolongé jusqu’à l’époque
actuelle par
le sango, langue nationale de la République centrafricaine, est sans
doute responsable
d’effets de contact observables dans toutes les langues oubanguiennes,
particulièrement au niveau lexical.
Les
langues du sous-groupe zande (4 de Greenberg) sont bien plus
divergentes et montrent des influences de langues du groupe Soudan
central de
la famille nilo-saharienne.
Le
sous-groupe 1 de Greenberg, les langues gbaya, est encore plus
périphérique. Sa présence parmi les langues oubanguiennes est due au
souhait de
Greenberg de ne pas multiplier les branches de la famille Niger-Congo,
en
particulier lorsqu’il s’agit d’un seul ensemble de langues suffisamment
proches
pour permettre l’application de la méthode comparative (vd. Moñino 1995).
3. La
suite de l’histoire
À l’époque de sa
publication, l’ouvrage de Greenberg était très favorablement accueilli
par les
linguistes africanistes. On se disait qu’il suffisait maintenant de
porter un
regard plus minutieux sur les langues des différents noyaux, de
rassembler de
nouvelles informations là où il en fallait et ensuite d’entamer les
processus
de reconstruction.
Or,
avec le temps, des avis négatifs ont commencé à émerger. D’un côté
il y avait les comparatistes qui estimaient que Greenberg faisait de la
linguistique historique au rabais. Aujourd’hui même il existe toujours
des
pratiquants de cette discipline qui pensent que le regroupement opéré
par
Greenberg était une tentative de brûler des étapes alors qu’il
s’agissait tout
simplement de poser des bases pour qu’on puisse démarrer dans les
meilleures
conditions des études historiques.
D’un
autre côté, il y a ceux qui veulent préciser la classification de
Greenberg sur la base de l’apparition de nouvelles données collectées
qui
permettent soit d’apprécier le degré de différence entre membres d’un
même
ensemble classificatoire de manière à mettre en doute sa cohérence,
soit de
construire des arbres pour traduire ces différences en mesures de
proximité
(vd. Cloarec 2000 concernant d’autres formes de représentation plus
adaptées à
la réalité observable).
Ces
différentes tendances sont décevantes dans la mesure où l’avenir de
la linguistique historique en Afrique va dépendre de la réalisation de
davantage d’études descriptives ainsi que de leur intégration dans des
projets
poussés de reconstruction, en particulier en développant une communauté
de
linguistes africains capables de porter un regard en profondeur sur
leurs
propres langues. Au point où nous en sommes, nous n’avançons pas mais
resassons
plutôt en permanence les mêmes matériaux.
Références
bibliographiques
Boyd,
Raymond. 1989. Adamawa-Ubangi,
in John Bendor-Samuel, éd., The
Niger-Congo Languages,
Lanham: University Press of America, 179-216.
Boyd, Raymond
& Helma Pasch. 1988.
Le groupe sere-ngbaka-mba, in Yves Moñino, éd., Lexique
comparatif des
langues oubanguiennes, Paris : Geuthner, 48-58.
Cloarec-Heiss,
France. 1998. Entre Oubanguien et Soudan central :
les langues banda. In I. Maddieson
& Th. J. Hinnebusch (éds),
Language History and Linguistic Description in Africa. Trenton-Asmara : Africa World Press
(Trends in African Linguistics 2), 1-16.
--.
2003. Les modèles de dérivation en banda: Regard
diachronique. Journal of
African Languages and
Linguistics 24(2):161-185.
Greenberg,
Joseph. |1963]1966. The languages of Africa. Bloomington :
Indiana
University.
Moñino,
Yves (éd.). 1988. Lexique
comparatif des langues oubanguiennes, Paris :
Geuthner.
--.
1995. Le Proto-gbaya : Essai de linguistique comparative
historique sur vingt-et-une langues d'Afrique centrale. Paris :
Peeters.